Sauve la Protestante : Sur les pas des Huguenots, retour sur les balades des 11 octobre 2025 et 9 novembre 2025
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Sauve la Protestante
Bâtie en amphithéâtre entre les contreforts du massif de Coutach et le Vidourle, la ville de Sauve a été l’une des places fortes protestantes les plus sûres du Languedoc.
La grande majorité de la population adopte la religion réformée dès les années 1550-1560. L’activisme protestant se manifeste en 1556 avec l’assassinat de l’abbé de Sauve puis en 1561, sous le ministère du pasteur Tartas dont les exactions sont condamnées par Calvin.
En 1598, par l’Edit de Nantes, le roi Henri IV accorde la liberté de culte aux protestants, que l’on nomme Huguenots, pour mettre fin aux guerres de religion qui ravagent le royaume de France. Sauve connait alors plusieurs décennies de calme jusqu’aux guerres du Duc de Rohan.
En 1622, 6000 hommes se rassemblent à Sauve pour aller porter secours aux protestants de Montpellier assiégés par Louis XIII.
En 1629, après la signature de la paix d’Alès, censée mettre fin à la rébellion huguenote, une partie des fortifications de Sauve est détruite sur ordre de Richelieu. Seules les murailles contre lesquelles sont adossées des habitations sont préservées.
Le roi envoie alors dans toutes les places fortes protestantes des religieux chargés de ramener les populations à la foi catholique. A Sauve, ce sont des Capucins dont le couvent et sa chapelle dominent la ville.
En 1685, Louis XIV considérant que le protestantisme n’a plus lieu d’être, révoque l'édit de Nantes qu’il a progressivement vidé de sa substance. L'exercice du culte protestant est interdit. Les protestants doivent choisir entre l’émigration vers la Suisse et les pays du Nord majoritairement calvinistes ou la conversion, sous surveillance, au catholicisme. Bon nombre d’entre eux, restés fidèles à leur foi, entrent en résistance, s’arment et s’organisent. Ils sont pourchassés et ce sera, entre 1702 et 1710, la guerre des Camisards.
Sauve est alors réputée calme et imprenable et pourtant une troupe de Camisards réussit à entrer dans la ville à deux reprises.
Le 27 décembre 1702, les chefs camisards Jean Cavalier, Pierre Laporte dit Rolland et Abraham Mazel pénètrent dans la ville par ruse. Revêtus des uniformes de soldats royaux tués quelques jours auparavant lors du combat au Mas de Cauvi, une cinquantaine d’hommes se présente à la porte de la ville, tambour battant. Ils prétendent poursuivre des Camisards et souhaitent se rafraîchir avant de continuer leur mission. Le stratagème réussit. Monsieur de Sauve, dénommé Duranc, fait ouvrir les portes de la ville et les hommes pénètrent jusqu’à la place du marché. Les faux soldats royaux désarment et arrêtent les soldats du corps de garde et leur officier.
Ils sont alors rejoints par le reste de la troupe, encadrée par Cavalier et Rolland. Puis ils se déploient dans la ville, investissent l’abbaye, mettent le feu à l’église et aux maisons catholiques, sans réussir toutefois à pénétrer dans la demeure de Monsieur de Sauve. Un père Capucin est tué dans la rue. Trois ecclésiastiques, trop âgés pour courir se réfugier dans la tour de l’abbaye comme les autres moines et desservants, sont emmenés et mis à mort sur la place de la Vabre. Cinq habitants sont pris en otage puis libérés.
Vers 15 heures, après avoir récupéré des armes, des munitions, de la vaisselle d’étain (pour produire des balles) et des provisions de bouche, les Camisards quittent la ville, craignant l’arrivée des troupes royales stationnées non loin de Sauve et averties de leur présence.
Une seconde incursion des Camisards a lieu dans la nuit du 31 janvier au 1er février 1703 sur Coutach. Rolland et ses hommes brûlent le Château de Roquevaire, propriété personnelle de l’abbé de Sauve, Henry Delmas. Le 3 février, ils pénètrent à nouveau dans la ville où ils commettent de nouvelles exactions puis incendient le Couvent des Capucins.
Suite aux incursions camisardes et afin de protéger la ville, l’intendant du Languedoc, Nicolas de Lamoignon de Basville, ordonne la construction de la redoute du Castellas et de guérites de surveillance, la réparation des murailles d’enceinte et des portes ainsi que l’installation de corps de garde dans les points stratégiques de la ville.
Le massif de Coutach, avec sa végétation impénétrable et ses abris naturels, sert alors de refuge aux Camisards et autres Huguenots dont les pasteurs, fuyant les Dragons du Roi. Le Camisard Jacques Bonbonnoux, brigadier de Cavalier mais ayant refusé de se rendre en 1704, se cache dans son "cher Coutach" pendant 27 ans et plusieurs assemblées au Désert y sont secrètement organisées.
Les troupes royales restent présentes dans la région et des casernes sont construites sur la route des Cévennes. Celle de Sauve accueillera des soldats dès 1760. Aujourd’hui, l’Office du Tourisme de Sauve y a ses locaux.
Pendant tout le XVIIIe siècle, de nombreux Sauvains sont, en réalité, restés fidèles à la foi protestante. Ne pouvant pas enterrer leurs morts dans les cimetières catholiques, ils aménagent des sépultures où ils peuvent (caves, murs, jardins …). Ainsi, par exemple, le château de Roquevaire servira de lieu de sépulture pour les Massip et les Faventines pendant deux siècles.
Enfin en 1787, par l'Edit de Tolérance, Louis XVI accorde aux protestants les droits civiques et la liberté de culte. En 1825, un nouveau temple est inauguré à Sauve sur la place Florian. Il remplace l’ancien temple situé près de l’église et détruit en 1625 à la Révocation de l’Edit de Nantes.
La commune de Sauve, entre ville et Coutach, conserve jusqu’à ce jour les témoins de son histoire protestante :
- l’emplacement du temple détruit sur la place Astruc ;
- les vestiges de l’ancien Couvent des Capucins sur le site du Château russe ;
- la redoute du Castellas, les casernes, les guérites du Couvent des Capucins et du chemin de Corconne pour défendre la ville des incursions des Huguenots ;
- le Château de Roquevaire, témoin de l’assaut des camisards et lieu de sépulture ;
- le massif de Coutach, refuge pour les Huguenots et leurs pasteurs ;
- l'organisation spatiale jusqu’au XXe siècle avec le quartier catholique autour de l’église, en haut du village et le quartier protestant autour du nouveau temple en bas du village ;
- et enfin, la mémoire de la liberté de culte retrouvée, avec le nouveau temple de la place Florian.
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